Margaux Collet, quand militantisme et vie professionnelle se rencontrent

Margaux Collet est une figure bien connue de la sphère féministe. Ancienne porte-parole d’Osez le Féminisme (OLF) (et toujours militante), ancienne figure du Haut Conseil à l’Egalité (HCE), elle est aujourd’hui formatrice prévention des violences sexistes et sexuelles et a co-écrit deux ouvrages.

Margaux Collet, vous venez de co-écrire et de publier « Le féminisme pour les nul.le.s » et vous aviez déjà eu l’occasion d’écrire « Beyoncé est-elle féministe ? » en 2018. Comment on devient autrice de livre ?

C’est une super opportunité que j’ai eu et pour ça il faut du temps, un boulot qui te fait vivre et du temps de cerveau disponible. L’objectif et le propos de ces deux livres s’inscrivent dans la lignée de mon militantisme : je souhaite que le féminisme arrive au plus grand nombre, ces livres sont un outil supplémentaire. Et avec la collection les Nuls, même si ça n’a pas le prestige universitaire, ça a le mérite de toucher le plus grand nombre. Il y a 3 ans je n’aurais jamais pensé écrire un livre.  J’ai eu l’occasion de rencontrer une éditrice des éditions First et je l’ai tanné pendant des mois en lui disant que c’était dingue qu’il n’y ait toujours pas d’ouvrage consacré au féminisme dans la collection.

Ces livres sont des ouvertures sur le féminisme. Et vous, comment définiriez-vous du féminisme ?

Il y a 1 000 manières de définir le féminisme. On pourrait en faire des tomes et des encyclopédies rien que sur la définition ! Je dirais que c’est un mouvement à la fois social, politique et intellectuel – c’est-à-dire à la fois des luttes et des réflexions – qui visent à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Vous avez un parcours professionnel et un parcours militant qui s’imbriquent autour des inégalités entre les hommes et les femmes.

Je suis militante féministe et depuis un an formatrice et consultante sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et particulièrement les violences sexistes et sexuelles. Mon engagement et mon activité professionnelle sont à la fois distincts et en même temps très liés.

Comment ça se vit au quotidien ?

Je suis militante à Osez le Féminisme, j’en étais la porte-parole et il a fallu faire des choix. Ce n’était pas possible d’être au HCE, surtout que j’avais un travail en relation avec les médias, et continuer à être la porte-parole d’OLF : ce n’était pas le même positionnement et je ne voulais pas brouiller le message auprès des médias.

Est-ce qu’on peut dire que, dans votre cas, il y a eu une professionnalisation du parcours militant ?

Oui, pour moi il est important que mon travail ait du sens et s’inscrivent dans un objectif de changement social, qu’il ait du sens.  

Avant de vous lancer professionnellement dans l’égalité entre les femmes et les hommes vous avez fait un master en journalisme. Diriez-vous que le milieu des médias n’échappe pas à la règle en termes d’inégalité entre les hommes et les femmes ?

Comme ailleurs, on retrouve les mêmes mécanismes. Les femmes sont maintenant plus nombreuses en écoles de journalisme et dans les rédactions mais quand il s’agit de monter dans la hiérarchie on voit qu’elles ont plus de difficultés que les hommes. De même, il y a une ségrégation entre les rubriques : les femmes ont souvent les sujets familiaux, sociétaux… Comme pour les ministères finalement ! Le problème avec les médias, c’est qu’ils ont une influence et dès l’instant où les choix éditoriaux sont pensés par des hommes – la place des femmes, le choix des contenus – ça a une influence sur la société elle-même. Mais on avance ! Ce n’était pas un sujet il y a 5-6 ans mais avec la naissance de Prenons la Une et la mobilisation des femmes journalistes, l’exclusion des femmes des directions de rédaction passe de moins en moins, de même qu’un traitement médiatique complètement sexiste.

Vous êtes donc passée par le HCE. Est-ce que c’est une instance utile ?

Oui le HCE est une instance nécessaire et indispensable. Depuis 2013, beaucoup de choses ont été influencées par le HCE sans forcément qu’on le sache d’ailleurs. C’est un travail de plaidoyer qui se fait en sous-main, c’est le rôle d’une autorité indépendante. Bien sûr, il y a des recommandations qui ne sont pas tout de suite mises en œuvre. Mais au moins, on se retrouve tous autour de la table : des représentants des forces de l’ordre, des associations, des administrations etc. qui n’ont pas toujours l’habitude de travailler ensemble mais qui se retrouvent pour faire avancer les choses. Pour que cela marche, il faut que les politiques et le gouvernement voient l’utilité d’une instance indépendante et soient à l’écoute des recommandations qu’elle porte. Depuis 50 ans, il y a des politiques publiques sur l’égalité et on voit bien la différence entre la loi et la vie quotidienne des femmes. Le but de cette autorité indépendante, c’est de voir ce qui bloque concrètement car le pouvoir en place ne peut pas s’auto-évaluer.

Après avoir quitté le HCE, vous êtes devenue formatrice indépendante sur les inégalités entre les hommes et les femmes et plus précisément les violences sexistes et sexuelles. Ce qui vous amène à intervenir sur les lieux de travail.

C’est particulier de parler de ces sujets au travail. Les gens ne sont pas habitués à ce type de formation. Quand on débarque pour parler des questions de sexisme, d’inégalité, on touche à la vie intime et personnelle et pour beaucoup ça renvoie à l’organisation de leur couple. Par exemple les femmes qui sont souvent à temps partiel, qui pensent que c’est un choix personnel et ne l’ont jamais analysé de façons systémique. On n’a pas l’habitude d’aborder ces sujets en général mais ça se passe très bien à partir du moment où on parle de choses très concrètes et qu’on n’a pas un discours culpabilisant. On observe une grande méconnaissance du sujet, au travail comme ailleurs le harcèlement sexuel est qualifié de « blagues lourdes », les viols sont désignés à tort comme étant des agressions sexuelles…

Comment on décide un jour de faire ce choix professionnel ?

Quand j’ai quitté le HCE l’année dernière, mon horizon était un peu flou. J’avais besoin de faire des choses plus concrètes, d’être en contact avec des gens, ce que je ne retrouvais pas dans mon activité professionnelle. J’ai trouvé beaucoup de sens et de concret dans l’animation de formations : entre le début et la fin de la journée tu vois qu’il y a un vrai effet. C’est une petite goutte d’eau, mais 20 personnes présentes à une formation, qui encadrent, vont à présent réagir différemment face aux questions de sexisme. Ces jours-là, je me dis que je me suis levée pour quelque chose d’utile.

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